La fourmilière


Société / lundi, juin 24th, 2024

La fourmilière

Il a donc donné un fameux coup de pied dans la fourmilière. Et les fourmis s’agitent en tous sens, en panique. Et alors on entend tout et son contraire, panique à bord, les discours et les promesses s’enchainent, se déchainent les passions.

Et quand tout pourtant était prévu, prévisible, lié à une montée des peurs dans le monde entier, la surprise semble complète. Comme pour cette attaque du Hamas en octobre dernier, tout cela était tellement  écrit qu’on se demande comment cette stupeur s’organise, se conçoit. Parce que les gens ne veulent pas, ne voulaient pas voir , pas entendre ? Sans doute. Cécité. Surdité. Reste comme à « chaque fois » à sauver les meubles, à se raccommoder à la va-vite pour faire front, empêcher, bloquer. Ok ok on va faire comme on peut une énième fois. Mais s’il était possible d’ouvrir le chapitre de l’autocritique, de savoir et voir ce que « nous » n’avons pas su faire, voulu faire, pour empêcher cela, cette montée de la haine, du rejet de l’autre, de la peur de la dilution détaillée déjà ici  . 

Dans ce travail, la plus élémentaire des évidences est  pour moi cette magnifique idée de traiter de « fascistes » tout électeur du FN dans le passé, du RN dans le présent. Pas très efficace semble-t- il, car plus cette pratique s’est répandue, plus le score de ce parti a augmenté; certes pas pour cette raison unique, mais en tout cas, cette posture n’a rien empêché, bien au contraire. Et pourquoi ? Parce que les gens concernés ne se sont en rien reconnus dans cette appellation, cette insulte. Lorsque dans mon village le cumul des votes Lepen-Zemmour atteint les 60 % à quoi cela sert-il de traiter ces électeurs de fascistes ? Que par leur vote ils permettent à des extrémistes de droite d’accéder au pouvoir est une chose, mais cela en fait-il des  fascistes ? D’abord l’emploi systématique du mot « fasciste » est dramatiquement dangereux car cela lui fait perdre tout son sens. Mis à toutes les sauces, comme le mot « antisémite « , on ne sait plus quelle réalité il englobe, ce qu’il signifie vraiment. Il devient un épouvantail qui ne fait plus peur aux oiseaux. Il n’a plus de sens. Ensuite, ces personnes qui votent pour ces candidats ne le font pas parce qu’ils « sont » d’extrême droite mais parce qu’ils ont peur. Peur des autres , de l’autre, des arabes, des musulmans, des étrangers, du monde moderne, des élites. Et surtout de la perte d’un monde d’avant où ils se sentaient « chez eux », avec une culture, des rituels judéo chrétiens et une manière de vivre qui s’est trouvé totalement modifié. Ces peurs ont été amplifiés, voire même créés, par des medias aux mains de milliardaires mal intentionnés tel Bolloré, mais repose sur des fondements réels: le monde a changé à une vitesse incroyable et il est peut être légitime de. ressentir de la peur. Et qui a répondu à cela ? (Enfin répondu dans la mesure où ils n’avaient pas eux mêmes posé la question) . L’extrême droite par des discours populistes, simplistes, réducteurs, désignant l’ennemi, promettant la défense des frontières, des valeurs, le retour au passé, au bon vieux temps. Et les gens les ont progressivement cru. Entre autre parce que personne ne leur a parlé, ne leur a proposé des solutions, rassuré sur certains points, parlé des causes de la migration, de l’importance de celle-ci pour nos sociétés, de l’importance du métissage dont nous sommes tous issus, etc.. Non. Qu’avons nous dit depuis , 10 ans, 20 ans, 30 ans ? : « On ne parle pas aux fascistes ». Bravo. Continuons. Ne parlons pas à « l’autre », il ne pense pas comme moi, c’est un ennemi.

Ensuite, entre nous on a arrêté de se causer aussi, de peur de se fâcher, de ne pas être d’accord. Nous avons fui les espaces publics, les débats, les manifestations, nous refusant à « entrer dans la danse ». Ayant nous mêmes du mal avec ces élites, cette coupure entre décideurs et citoyens, cette incompréhension entre ruraux et citadins, cette rupture entre bourgeois et monde du travail. Il y a peu une amie me disait que les post de soutien sur face book aux palestiniens lui paraissaient « obscènes » par rapport à l’ampleur du génocide. Oui certes, mais écrire, parler, échanger, si possible en direct, s’il le faut via internet , alimente les propos et participe à la fabrication de l’opinion. Sinon comment faire? Et ne rien fair, ne rien dire, sur la toile ou sur les murs, n’est ce pas laisser depuis des décennies la place aux discours haineux, racistes qui ont bâti progressivement  «l’opinion ». ?

Deuxième axe. Penser sans cesse que Front National et Rassemblement national c’est du pareil au même. Vous comprenez m’sieur dame tout ça c’est des Lepen. Non sérieux? Vous en êtes encore à tel père telle fille? Ou alors du même sang, donc pareil? Ou autres âneries du genre ? Vous avez pas capté comme une différence ? Un genre d’évolution ? Bien connaitre son ennemi semble pourtant une idée pleine de sagesse. La rupture entre Jean Marie et Marine, s’est faite rapidement autour d’un fondamental : la quête du pouvoir. Jean Marie, avec le FN, c’est pas de concessions, on s’affiche avec les fachos de toute l’Europe, on montre son antisémitisme, son racisme, on vise l’extreme droite dure, mais on ne fait aucune concession pour obtenir le pouvoir. Marine, c’est l’inverse, l’obsession c’est le pouvoir, et tout faire pour y arriver. Inconciliable entre père et fille. Et non ce n’est pas juste le même programme mais enveloppé de sucre, c’est un autre programme, un autre logiciel, fait d’alliance, de compromis. Ça ne rend pas celui là meilleur que l’autre. Mais cela doit modifier la manière de répondre. Ce qui marchait contre Jean Marie ne marche pas avec Marine. Marine Lepen a regardé Giorgia Meloni réussir en Italie et rêve de la rejoindre. Et si elle y arrivait elle fera la même chose, elle se pliera à la loi des marchés, ne pourra rien faire contre l’immigration, ne pourra pas tenir ses promesses. Elle sera obligé par la constitution, par la réaction de la rue, des travailleurs, des syndicats, à composer, et  réaliser son rêve : être et rester au pouvoir.

. Je ne minimise en rien la catastrophe de  l’ accession au pouvoir de Marine Lepen. Catastrophe sociale, économique, morale.  Elle, et Bardela, et leur clique n’en restent pas moins des adversaires dangereux qu’il faut combattre. Mais cela ne peut se faire que sur le long terme. Et pas par ces éruptions sporadiques où tout d’un coup il faut faire barrage à un vote majoritaire des français en traitant les électeurs de fascistes. Contre productif. Faire front ensemble avec des gens qui se détestent profondément n’a pas vraiment de sens, c’est un vague sauvetage de meubles de dernière minute pour tenter de repousser à plus tard l’échéance. Gagner du temps. Mais quand on en a gagné lors d’ élections précédentes , qu’en avons nous fait ?  Que les abstentionnistes votent déjà ! Voilà un boulot pour nous, les défenseurs de la fraternité ! Allons leur faire comprendre que leur avantages sociaux dont ils bénéficient, ils les ont grâce à des élus et le plus souvent de gauche .

Et répondons enfin aux peurs des citoyens dans un monde anxiogène, avec la montée des guerres, de la violence, de l’islamisme radical, accompagnée d’une  révolution numérique, la robotisation, l’intelligence artificielle et j’en passe. Recréons du lien ! Notre peur de l’autre alimente la peur de l’autre et on ne s’en sort pas.

Pour les autres axes, idées, etc , le débat est ouvert. Il y a plein  de pistes,  d’idées de reconstruction possible localement.

Le tout est d’avoir un projet cohérent et rassurant du vivre ensemble, de faire société. On commence à l’écrire quand ? avec qui ? 

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