Mafia
Après avoir écouté les communiqués, lu les textes de Sampiero Sanguinetti( très intéressant) , de Marie Simone Nobili( déplacé mais plein de colères légitimes) , de Maffia NO, d’ Ecologia Sulidaria, de la LDH, du collectif Massimu Susini , les déclarations de Gilles Simeoni et de Gerald Darmanin, etc etc … et après avoir assisté à la lutte antimaffia en Sicile, et vécu 25 ans sur cette ile, avec ses multiples assassinats en tout genre, je me dis en fait les mêmes choses depuis mon arrivée en Corse;
L’état , sa police et sa justice sont responsables en premier de la déliquescence de la situation criminelle. Chacun sait par expérience que seul une entité spéciale financière ayant des pouvoirs accrus peut infiltrer et démanteler la pratique mafieuse. En offrant un statut aux repentis. En protégeant les victimes. Mais chacun sait aussi , et le préfet Amaury de Saint Quentin* ne fait que confirmer cela, que les ramifications des marchés illicites ou autres remonteraient dans les hiérarchies aussi bien locales que nationales.
La Corse, de par ses symboles et son histoire, sa culture aussi , a un rapport à la violence et à la mort; Elle a un rapport privilégié aux armes à feu , avec une fascination dés le plus jeune âge pour les armes. Puisqu’il est fait référence dans le texte de Sampiero au film « Le Mohican », il est facile de voir dans les trois autres films « corses » sortis à la queu leu leu cette présence de l’arme et de la violence: « A son image », « Le royaume », « Borgo ». Le cinéma comme révélateur d’une situation. La minimiser me parait contreproductif.
Diabolisation, culpabilisation, autoflagellation n’ont pas d’intérêt. Et à la question habituelle « que faire ? » j’apporte la même réponse depuis longtemps.
Il est terrifiant de voir la différence d’émoi selon les victimes des assassinats. Le dernier en date étant une « erreur » cela créé une onde de choc. Normal. Lorsque qu’un jardinier de 68 ans est abattu en plein Carghese ( 31 janvier 2021) sans doute par erreur ou pour qu’un jeune tueur « fasse ses preuves », combien sur place pour dénoncer cette violence ? 25 personnes. Pas d’élu. Pas de comité. Il était arabe. Et plus globalement, dans nos maisons qu’entend on après la mort d’une personne suite à un règlement de comptes ? « il avait bien dû faire quelque chose » Cela rassure. Nous et nos enfants . Des méchants tuent des méchants. La vie peut continuer.
Personnellement j’appelle cela la banalisation de la violence, le fait de laisser croire à nos enfants qu’il ne s’est rien passé, en tout cas un truc pas grave. Alors qu’un être humain a été assassiné. Le lundi 20 janvier il devait être 20H10 lorsque j’ai entendu une rafale d’armes à proximité de chez moi. Je me suis dit : quelqu’un vient de mourir. Qui ? C’était un jeune du village d’une vingtaine d’années. Je ne veux pas savoir les raisons qui ont poussé au crime. Que cela soit pour lui, ou la toute jeune Chloé tuée « par erreur » à Ponte Leccia, ou tous les autres, je pense que depuis 20 ans , et pour chaque mort violente commise sur la terre corse, la vie sociale devrait s’arrêter le lendemain. Une demi journée ? une heure? Une minute ? Peu importe ce sont des détails. Mais cela serait un signe fort auprès de nos enfants, de la jeunesse: il s’est passé quelque chose que nous n’acceptons pas. La violence meurtrière, le meurtre organisé, la mort d’un etre humain par un autre être humain. Et nous manifestons sur toute l’ile notre dégout et notre colère. Notre dégout du sang. Notre colère contre les assassins et l’incapacité de l’état à les arrêter. Loin de toute « culpabilisation » stérile, nous aurions fait, et nous ferions, œuvre d’éducation pour le respect de la vie. Et à mon sens cela aurait plus de portée que tout communiqué, aussi nécessaires soit-il.