Eco logique…


Société / vendredi, décembre 1st, 2023

La lecture de l’article du philosophe André  Gorz en 1974 sur « leur écologie et la notre » https://www.monde-diplomatique.fr/2010/04/GORZ/19027 , la tenue d’un récent festival du « tourisme durable » organisé par un office de tourisme local , les couches de peinture verte sur les programmes de tous les partis politiques, m’amènent à des réflexions.

Apres 40 ans d ‘alerte sur les dégâts du capitalisme, du consumérisme, la destruction du vivant , le problème de l’énergie et des ressources, de l’eau en particulier, et après s’être fait traiter de « rêveurs, écolos, utopistes » et j’en passe, tout le monde s’accorde aujourd’hui sur une urgence, climatique ou autre .   Faut il se féliciter d’avoir eu raison et que le cours de l’histoire ai validé les prévisions les plus sombres ? Ma foi cela n’aurait pas grand sens. Par contre on pourrait se lamenter du fait que « c’est trop tard » , au regard de la disparition dans ce laps de temps des 3/4 de la bio masse des insectes, de la saturation en plastique dans les mers et les océans qui ont amené la présence de micro particules dans le sel,  des eaux de pluie devenus impotables, pour ne donner que quelques  exemples. Et lorsque l’on évoque ces phénomènes, on se fait traiter de rabat joie face à un optimisme salvateur et de mise, dans ce bel enthousiasme général. C’est que comme l’avait prévu André Gorz, et quelques autres également, la problématique écologique a été récupéré par le monde du business, puis du pouvoir. Devant l’évidence il ne s’agissait plus de nier mais d’intégrer et récupérer. Pour en profiter, soit financièrement, soit politiquement. Ainsi par « durable »,  en évitant systématiquement sa définition, on entend maintenant plutôt comment faire durer une économie et des pratiques en péril, en les verdissant plutôt qu’un changement radical des pratiques, en gros un changement général de fonctionnement de société, de paradigme. Entendons par là, sortir d’une société où le profit prime sur tout, et renverser ce sens vers celui du partage, du commun, de la protection du vivant.  Mais évidemment dans cette attente et cette recherche il nous faut bien « agir » à l’intérieur du monde actuel, chercher des solutions locales immédiates pour chercher des pistes d’un nouveau paradigme. En résumé nous ne passerons  pas d’un monde à l’autre comme ça, par simple volonté, mais sans doute sous la contrainte, et il nous faudra avoir étudié et expérimenté d’autres voies.

Au regard de ces considérations globales, plus localement cela engage plusieurs réflexions autour la Corse. Politiquement d’abord, la question reste entière sur le choix entre apporter au pouvoir en place ( Femu a Corsica) des conseils, des avis, des encouragements vers « une autre Corse », en résumé intégrer les structures en place et les inciter à d’autres pratiques. Ou alors se renforcer comme force d’opposition, réussir à mobiliser autour d’un autre projet de société , fédérer et gagner suffisamment de suffrages pour peser sur la politique locale. La réponse à cette question va devenir de plus en plus actuelle avec l’arrivée d’élections européennes, puis municipales et régionales. Et dans tous les cas un choix de stratégie devra se faire bien en amont.

Pour l’heure , et dans l’attente de ce choix, je pense que trois actions peuvent être entreprises. La première , suite à la lecture de « Puissances de l’enquête , L’école des Arts politiques »*  et principalement le texte introductif de Bruno Latour (https://www.ehess.fr/fr/ouvrage/puissances-lenqu%C3%AAte)  consiste à lancer une enquête auprès d’habitants de la Corse, autour de leur vision de l’urgence, de la peur, de l’envie, du désir. En fait avec un questionnaire à travailler collectivement, simple , concis, qui permettrait d’avoir une véritable photographie de ce qui nous rassemble , nous relie. Evidemment  il ne s’agit pas d’un micro trottoir, à la pêche de remarques prises au hasard auprès de n’importe qui,. Auprès de qui alors? Je pense auprès des acteurs du territoire que nous connaissons, sensibles aux valeurs de ce que nous avons longtemps appelé « la gauche », terme générique qui s’est complexifié avec le temps, et qu’il faudrait redéfinir autour de la défense du vivant, des valeurs de solidarité, de cohésion sociale, de partage… etc. Cela nécessite que l’enquête soit menée par des acteurs de proximité connaissant très  bien son territoire et ses habitants.  Une attention particulière devrait etre portée à un public de paysans, agriculteurs, trop souvent sous représentés dans «  l’univers écologique » comparativement à une intelligentsia citadine. Quel intérêt? D’abord cela constituerait une démarche originale et a priori unique de démocratie participative: depuis quand demande t on à la population de donner ses idées , de parler de ses craintes? Ensuite cela permettrait en analysant les résultats de trouver de nouvelles pistes, des idées, des solutions, des urgences, qui n’apparaissaient pas obligatoirement à l’origine. Support ? Video ou audio selon les moyens… C’est  un gros chantier mais je pense fondamental et constructif.

Ensuite de manière plus simple et plus « rapide », je pense à deux matérialisations des discours. 

L’une est la conception d’une affiche , ou une série d’affiches, nous permettant de nous réapproprier les murs, l’espace public, actuellement largement occupé par les propos racistes, soit de l’extrême droite soit des ultra nationalistes.

La deuxième, est la création d’un journal papier, permettant la diffusion d’informations et d’éclairages nouveaux auprès d’un public non connecté à internet, et offrant une alternative aux news de Corse matin. Certes il n’est pas question de rivaliser avec ce quotidien, ni en terme d’audience ni de tirage. Mais le support papier permettrait  à un public hors réseau habituel d’être approché , voire d’être convaincu.

Rien de très nouveau dans tout cela sans doute, juste des idées de projets, pour réunir, diffuser, rassembler, et tenter d’imaginer d’autres récits, d’autres perspectives loin des simples couches vertes du greenwashing.

A bientôt pour échanger et continuer à bâtir des ponts !

Laurent Billard

 

  • * « La politique n’est pas une science et ne pourra jamais l’être, quelque nom qu’on lui donne et à quelque science que l’on se voue. C’est un art, ou plutôt des arts, ce qu’on appelle justement les arts politiques. » (Bruno Latour)

 Le monde n’est pas à découvrir, mais à composer, à faire, à instaurer. Il faut apprendre à enquêter, réinventer nos manières de voir, de penser et d’agir. Cela implique d’allier les savoirs et les pratiques de chercheurs, philosophes, historiens, sociologues, économistes, anthropologues, spécialistes de l’environnement aux compétences d’artistes de tous domaines (plasticiens, écrivains, musiciens, danseurs, dramaturges, comédiens, cinéastes…), d’architectes, de designers, d’urbanistes.

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