Boite a sel
La photo m’a pris comme un coup de poing, une violence.
Une grande surface c’est déjà violent avec ces messages incessants qui vous expliquent qu’elle sauve la planète avec ses sacs recyclables ( :D) , avec le jeu concours sauvons la planète, dans d’immenses rayons sous plastique avec le bio importé de l’autre bout de la planète. Violence.
. Mais tomber sur une boite à sel imprimé SEL DE NOIRMOUTIER et LA BALEINE ! J’ai failli en perdre l’équilibre. Difficile à partager certes, tant ces deux mots associés n’évoquent pas obligatoirement grand chose au consommateur moyen qui remplit son caddie en regardant plus le prix que l’étiquette. Pour moi , et quelques autres, sauniers ou anciens sauniers , voire paludiers pour les guérandais, ayant participé à la sauvegarde des marais, salants, d’un savoir faire, d’un produit de qualité, d’une activité séculaire, d’un patrimoine, d’une culture, cela fait mal, très mal.
Car ce combat entamé par Guérande dés les années 75 s’est fait contre les salins du Midi, propriétaire, entre autre, de la marque Baleine, Cérébos, le gosse qui met le sel sur la queue de l’oiseau.. Historiquement , de nombreux marais salants, à Guérande, Noirmoutier, côte vendéenne, Ile de Ré, Oléron appartenaient aux salins du midi. C’était le temps d’avant les pompes à Gasoil aux salins de Giraud capables de pomper des millions de mètres cubes d’eau de mer pour pouvoir produire le sel. Marais salants mais aussi structures comme les salorges, bâtiments permettant de stocker le sel. Les Salins du Midi estimant qu’ils n’avaient plus aucune valeur, laissèrent tout cela à l’abandon, et virent d’un mauvais oeil ces hurluberlus voulant relancer une activité en pleine déconfiture. Ils n’encouragèrent en rien la reprise de ces jeunes, et traînèrent des pieds lorsqu’il s’agissait de rachats ou de baux. Oui, on peut dire que la reprise en main de la saliculture dans l’Ouest s’est faite contre eux. Mais les volumes étaient si ridicules comparés aux 6 millions de tonnes annuels produits dans le Sud qu’ils finirent par considérer comme marginal le phénomène et ne s’y attarda plus.
Le temps passa. Sur l’ile de Noirmoutier où en 1982, année de mon arrivée une dizaine de sauniers continuaient l’activité dans des conditions désastreuses, ce sont maintenant plus de 110 exploitants qui cultivent les marais et produisent gros sel et fleur de sel. Qu’ils en aient conscience ou non. C’est en grande partie grâce à la coopérative et au travail collectif de générations passées de sauniers si l’activité a perduré, s’est développé et continue d’exister. Que s’est il donc passé pour que les salins du Midi se réintéressent , se réinvestissent sur cette ile, sur ce domaine commercial? L’image mon ami ! Car quel boulot entrepris depuis 1975 par Guérande puis Noirmoutier et Ré quant à la reconnaissance d’un produit naturel, non traité, récolté artisanalement ! Avec la reconnaissance de sa qualité est venue aussi sur le marché le fleur de sel apprécié de nombreux consommateurs, de grands cuisiniers, etc. Un groupe comme les Salins ne pouvaient pas laisser passer de tels développements sans réagir. Ils inventèrent donc une fleur de sel de Camargue, du midi, comme une marque, cristaux de sel récoltés au fond de l’eau et n’ayant aucun rapport avec la fleur de sel récolté manuellement à la fleur de l’eau (d’où son nom ) les jours de vent . Mais cela ne suffisait pas. Il fallait comme déjà fait à Guérande débaucher des exploitants indépendants ( non adhérents à la coopérative en somme) pour brouiller l’image local et la récupérer pour son marketing. De bonne guerre me direz vous? Il est vrai que dans notre belle société ultra libérale tous les coups sont permis, et la morale n’ pas sa place lorsque le profit domine. Et grosso modo est ce que cela ne fera pas de la « pub » à Noirmoutier d’être ainsi distribué ? Je ne le pense pas. De la même manière que l’étiquette « bio » a perdu tout son crédit , associé le nom du sel de Noirmoutier à une marque qui traite le sel avec des anti-agglomérants ne peut pas avoir de bonnes retombées. Mais le principal problème évidemment n’est pas là. La démarche est comme à Guérande plus sournoise. Car en attirant des producteurs indépendants par des propositions financières on tente d’affaiblir les coopératives et de diviser les producteurs locaux qui avaient fait la preuve par le passé de leur capacité et de leur compétence pour revaloriser le métier et le produit. Je pense en particulier à la démarche auprès du groupe EURIAL pour la commercialisation du beurre au sel de Noirmoutier qui permit une sécurité des ventes et du prix. Car tout est affaire de volume, de quantité de sel garanti. En organisant une possible solution aliénante à un grand groupe financier Les Salins du Midi peuvent à moyen terme contrôler les bassins atlantiques qui avaient si bien lutté pour leur indépendance. Et pour la défense d’un territoire et d’un produit de qualité. Il y a plus grave sur la planète, certes. Mais il est des moments où votre histoire personnelle se prend des baffes. C’est comme ça . La boite de Pandore parfois à l’allure d’une boite à sel.
PS l’étiquette en plus est mensongère , ce qui est ramassé à la main c’est du gros sel et non du sel fin.
Bon, ben OK, le message est passé, on va pas acheter ce sel là et peut être plus généralement du sel sous la marque LA BALEINE. Quand on sait les choses, çà change tout !