Ciao…


Cinéma, Culture, Théatre / jeudi, avril 1st, 2021

J’ai pris du retard… je m’en excuse..

Mais de fait des personnes importantes dans mon parcours de vie et de cinéma s’en sont allés… et je n’ai pas dit mon mot alors que tout le monde le faisait… Pas si grave finalement.

Tavernier donc, Bertrand, cinéphile, président de l’Institut Lumière à Lyon, cinéaste aux multiples succès, mondialement connu… vous avez déjà eu droit certainement à la tournée générale. Mais comme pour certains autres, c’est en termes de compagnon, involontaire, de vie que je voulais en parler. Comment dire nos bonheurs avec « l’Horloger de Saint Paul » de savourer Noiret, , dans « Que la Fête commence », de le voir entourer de Marielle et Rochefort, dans  « Le juge et l’assassin », d’avoir sorti Galabru de ses petits rôles pour un très, très  grand rôle. Comment dire la baffe prise avec « La mort en direct » et la sublime Romy Schneider, le talent de Nathalie Baye dans « « Une semaine de vacances, et Eddy Mitchell en Nono dans « Coup de torchon », avec Isabelle Huppert et toujours Noiret. Moins connu sans doute « La guerre sans nom » en 1992 remet le drame de la guerre d’Algérie au premier plan. Comme il saura remettre en mémoire la guerre des Balkans de 18 à 22, celle complètement oubliée que fit mon grand-père avec Franchet D’esperey.  Le reste vous l’avez lu, d’autres films vous ont sans doute émus, marqués. Comme d’autres, Bertrand Tavernier a semé des graines le long de ma vie, depuis 1974 et mes 18 ans jusqu’à sa fin. E c’est toujours étrange cette sensation de perdre une personne qui vous était totalement inconnu, pour lequel vous étiez parfaitement inconnu, mais qu’on a ressenti comme intime par les films qu’il a semé.

Une autre personne est ainsi disparue, peut être avec moins de bruit, l’immense scénariste Jean Claude Carrière. L’improbable coïncidence qui a vu Claude Carrière, homme de jazz et de radio mourir à quelques jours d’intervalle de Jean Claude Carrière a créé sans doute des interférences ou des confusions chez certains qui connaissaient peu ces deux hommes. Si l’homme de radio a été salué ici à Calvi pour ses interventions au Festival de jazz (et sa gentillesse), je me suis senti bien seul avec la perte de ce grand bonhomme que fut Jean Claude Carrière. Ici, vous trouverez un passionnant article de mon frère Jean Michel Frodon sur l’immensité de l’œuvre de ce scénariste infatigable.Comme pour Tavernier, je vous citerais simplement quelques rencontres particulières et surtout le premier choc en 1985 : le Mahabharata.

A l’époque je l’avoue je n’étais pas homme de théâtre, je n’y allais quasiment jamais, les salles obscures de cinéma avaient toute mon attention. Lorsque mon père me proposa de m’emmener voir une pièce de théâtre de 9 heures, j’avoue avoir hésité.  Ensuite tout ne fut qu’enchantement. La découverte des Bouffes du Nord, d’abord, temple du théâtre.  La puissance de ce texte :  une épopée indienne transmise en sanskrit depuis le deuxième siècle avant notre ère (18 livres composent cette histoire, considérée comme le plus long poème jamais écrit). Le talent des acteurs venus du monde entier, la qualité de la mise en scène par l’un des plus grands, Peter Brook. Et le travail hallucinant de l’adaptateur Jean-Claude Carrière. Car pour rester 9 heures, à raison de trois fois trois heures sans bouger, envoûté, médusé, sous le charme, il fallait certainement du génie ainsi que 1O ans de travail. Dans ma mémoire, Peter Brook et Jean Claude Carrière étaient tous deux présents ce soir-là au théâtre, et j’en avais gardé comme une admiration sans borne pour ces deux personnes. Jean Claude Carrière, dans ce domaine de l’adaptation théâtrale sera aussi le principal artisan d’un « Cyrano de Bergerac » inoubliable de Jean-Paul Rappeneau.

Ensuite on connait son travail avec des cinéastes comme Luis Buñuel, Milos Forman, et quelques autres, (en fait la liste des scénario, adaptations, livres que cet homme a écrit est incroyable) mais les  deux œuvres qui me viennent en tête sont deux téléfilms dont il a assuré l’écriture et/ou l’adaptation: « Le retour de Martin Guerre » et « La controverse de Valladolid ». Il y a comme toujours la qualité des réalisateurs (Daniel Vigne et Jean-Daniel Verhaeghe) et des comédiens, (Marielle, Trintignant, Carmet, Depardieu, Baye), mais c’est la précision de l’écriture et de l’adaptation qui faisaient de ces deux films des vraies petites perles.

 Alors merci ! Merci pour tout ce travail et cette intelligence. A l’heure où la culture est partout menacée, où cinéma et théâtre sont  considérés comme non-essentiel, la puissance de votre travail reste un réconfort face à la tristesse de vos disparitions.   

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