de nouveaux mots !


Culture, Société / jeudi, avril 8th, 2021

C’est curieux cette nouvelle (1) habitude de vous liquider d’un mot.

Vous critiquez la politique d’Israël vous êtes antisémite.

Vous vous méfiez de la 5G vous êtes un Amish. .

Vous dites qu’il ne faut pas amalgamer les citoyens arabes à l’islamisme radical, vous êtes un islamo gauchiste.

Vous dites qu’il faut lutter de toutes nos forces contre l’islamisme radical, vous êtes un facho qui fait le jeu du RN.

Vous dites qu’il faut consommer bio, local, sain, vous êtes un écolo bobo.

Vous critiquez la politique de Macron concernant la Covid, vous êtes complotiste.

Et l’affaire est entendue. Réglée. Vous êtes de ce camp, foin d’arguments, de discussions. Estampillé, tamponné, identifié, classé.

Ce que la bourgeoisie, le capitalisme, le nouveau monde médiatique…sont donc balèze pour cloisonner les mots, le vocabulaire et tuer ainsi l’idée. La réflexion. La contestation. Chapeau.

A ce propos des mots, parlons d’Alain Damasio.En fait il est rare, rarissime même, de partager autant de points de vue avec quelqu’un. A écouter cette émission que je vous conseille (https://www.youtube.com/watch?v=Ebd4BzxrkVQ)

J’ai bien du mal à trouver des points de discorde avec cet écrivain de science fiction ( 2) , devenu maitre de conférence, philosophe, militant plus ou moins de  son plein gré.

De quoi parle-t-on ?

De la technologie, du « techno-cocon », des phénomènes d’addiction et de répulsion qui agissent sur nous, de notre rapport au monde et au vivant qui s’est trouvé entièrement modifié car totalement interfacé, d’une société du contrôle et de la trace, d’auto-aliénation car personne ne nous oblige à utiliser ces outils qui nous dominent. Il dépeint le problème primordial, né du couplage entre le Néo-libéralisme et le numérique : le techno capitalisme qui peut aller beaucoup plus loin que ce qu’il avait lui-même imaginé. Qu’est qui dirige le monde ? qui a du pouvoir sur les modes de vie des citoyens et modifie leur comportement ? Certainement plus le téléphone portable, Apple, Google que n’importe quel gouvernement.

Dans cette avalanche d’idées durant une heure ( bien court par rapport à Thinkerview) j’ai résonné, raisonné à deux plus particulièrement.

La première c’est la dictature de la commodité, la technologie vue comme outillage de la paresse. Il prend l’exemple de l’eau qui par gravité va toujours en ligne la plus directe vers le bas, le chemin le plus court, le plus facile. Pour remonter il faut un effort, qu’elle est incapable de faire seule, obéissant à une loi. Ma mère lorsque j’avais 16 ans et que lui parlais de vélo contre les autos, du nucléaire,  etc, me répondait toujours : nous ne retournerons jamais au lavoir. La machine à laver et la machine à laver la vaisselle sont un  progrès qui nous a libéré.

La vie était rendue plus facile. Face au pouvoir grandissant de la machine, du téléphone, des logiciels acidulés à notre convenance, des algorithmes, il nous faudrait pour reconquérir un espace de liberté faire un effort important, « à contre-courant ». Sommes-nous capables de le faire ?

La deuxième et principale concerne le langage. Partons de l’argent, base du capitalisme, qui peut tout se permettre grâce, entre autre,  à sa fluidité. Que lui opposer à part le langage et l’idée ? Car dans le cas de l’argent comme c’est bien connu, une fois donné vous ne l’avez plus, alors que le langage ou l’idée, une fois donné, non seulement vous l’avez encore mais vous avez enrichi l’autre. Après avoir réussi l’exploit formidable d’avoir tout privatisé, tout ce qui nous était commun, jusqu’à l’amour avec les sites de rencontres, jusqu’à l’amitié, monétisé grâce à Facebook, le capitalisme a commencé à privatisé les mots : Orange, Vinci, Hermès, Apple, Amazon, Planète,, etc… Face à cela il nous faut réinventer des mots, en créer des nouveaux, inventer de nouveaux espaces imaginaires ou des champs politiques nouveaux finiront par pousser. A titre personnel, j’avais beaucoup aimé la venue au village du slameur Dgiz. Dans les classes ou sur scène, il avait fait swinguer les mots avec sa contrebasse, enchanter les gosses et les parents, fait briller d’autres univers, d’autres perspectives en fait. C’est sans doute l’un des pouvoirs les plus puissants que possèdent le rap et le slam : inventer avec juste une voix, c’est-à-dire sans grand moyen, des nouveaux espaces décalés dans lesquels on peut se reconnaitre et que « l’autre »  ne peut pas conquérir. C’est aussi là un retour du corps , la présence physique, du lien  à autrui, que le techno cocon a savamment détruit. Alors inventons des mots ! Osons !

 

 

 

1 en fait je ne sais pas si c’est nouveau

 

2 Livres d’Alain Damasio

 

Nouvelle enquête sur l’intelligence artificielle : médecine, santé, technologies : ce qui va changer dans nos viesNicholas Ayache et Alain DamasioFlammarion, 2020

 

Les FurtifsAlain DamasioLa Volte, 2019

 

La Horde du ContreventAlain DamasioLa Volte, 2004

 

La Zone du DehorsAlain DamasioLa Volte, 2007

 

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