Du choix
Cela revient sans cesse. C’est comme omniprésent.
Cela de mon point vue habite chaque élément de réflexion sur notre société.
Quoi donc ? La démocratie, et plus particulièrement le problème du choix.
Cela s’est avéré assez visible lors de la dernière élection , où celle ci, en principe l’occasion d’exprimer un choix, a été le moment particulier où certains nous expliquaient qu’il n’y en avait pas. Que cela soit lors de la campagne de com durant la propagation du coronavirus ( entièrement conçue d’abord par le bureau d’étude BVA puis par celui de Mac Kinsay) , que cela soit pour « l’affaire Colonna », que cela soit pour la guerre en Ukraine, et finalement quelque soit le sujet , un courant soi disant majoritaire, disons une pensée unique balaye tout, et quiconque s’en dégage , la critique, est considéré comme paria, ennemi de la République, de la Corse, de l’Ukraine. Le débat a disparu, l’invective règne, le discrédit de l’autre et son rejet définitif dans le camp « ennemi ».
Prenons le cas de la Russie et de l’Ukraine. Il n’est quasiment pas possible de placer le moindre propos sur la présence effective de milices neo-nazis dans l’armée ukrainienne, du massacre de civils russe à Odessa le 2 mai 2014, de la dangerosité de l’OTAN, de son expansion et la politique guerrière des Etats Unis sans passer pour un fanatique pro-russe. Là où le fameux « en même temps » du président Macron qui avait visiblement tant plu à un certain électorat ,( alors qu’il détruisait tout un pan de la réflexion politique de ce pays), il semble qu’il faille être à, tout prix, d’un seul camp, le bon , contre un méchant diabolique contre lequel nous devons exclusivement nous « mobiliser ». C’est ce qu’explique très bien Pierre Rimbert dans son article « Évènement total, crash éditorial » dans le Monde diplomatique https://www.monde-diplomatique.fr/2022/04/RIMBERT/64538 avec plus particulièrement le rôle de la presse ou des media dans cette union des discours.
Pour « l’affaire Colonna », d’autres ressorts sont à l’oeuvre ici. Il s’agit de la simple peur de dire autre chose, ce qui paraitrait comme inacceptable. Nombreux sont ceux qui se sont d’ailleurs retrouvés à manifester par simple souci de ne pas se sentir exclu. Le concept « si tu. n’es pas avec nous , c’est que tu es contre nous », prend ici toute sa place. Et il n’est pas récent. Face à la montée d’attitudes à caractère raciste , de. replis identitaires, de rejets de l’autre, il n’existe aucune réponse ou réplique collective. Chacun se terrant dans un silence complice et embarrassé par peur soit de représailles, soit d’une déconsidération sociale qui dans les petits villages est vécue à juste titre comme une catastrophe. Alors on rentre dans le rang, on baisse la tête et soit on hurle avec les loups soit on se tait . En l’occurence le dilemme se trouve entre condamner une justice qui a failli, et faire reconnaitre ainsi à l’état français ses dramatiques errements , sans glorifier ou mythifier une victime devenue le symbole instrumentalisé d’une révolte et d’une jeunesse. Pouvoir en parler.? Impossible. Quel espace? Quelle écoute?
Pour la gestion calamiteuse d’une lutte antivirale, j’en ai déjà suffisamment parlé. Je vous renvoie à l’étude des livres et interviews de Barbara Stiegler, (entre autre De la démocratie en pandémie https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tracts/De-la-democratie-en-Pandemie# ) récemment invitée au Parc Galea et que nous inviterons de nouveau cet automne, je l’espère, pour continuer le débat . Celui autour du thème de la démocratie, objet du livre de Christophe Pébarthe « Athènes, l’autre démocratie » également présent au Parc Galea aux côtés de Barbara. . Sujet fascinant sur lequel nous avons beaucoup à apprendre et à découvrir. Comme il l’explique fort bien, lorsque les athéniens inventèrent le mot 5 siècles avant JC ils annoncèrent en même temps qu’il ne savait pas en fait comment y arriver. Peuple et pouvoir, demos et cratias, étant bien compliqué à mélanger, voire même définir. Il semble que 2500 ans plus tard la question reste la même. Qu’est ce que le peuple? Une majorité? Un « régime « démocratique? Comme le discutaient déjà les athéniens et que reprennent certains aujourd’hui ,doit-on avoir un minimum d’instruction de connaissance pour pouvoir exprimer un vote? Et du coup qui décide? Comment être représenté? A ces interrogations ancestrales se sont rajoutés des plus récentes. Le rôle croissant des media, leur appartenance à de grands groupes financiers , le rôle d’internet , peuvent ils être compatibles avec un libre choix, un libre arbitre, une citoyenneté ?A qui pouvons nous donner notre confiance? Plus l’échelle est petite, à l’image d’un maire dans un petit village plus les solutions paraissent « envisageables ». Plus l’échelle est grande , à l’image de l’Europe, plus les intermédiaires bureaucratiques, le poids de la « com » , les interventions des lobbys, les enjeux financiers, perturbent toute forme de décision « collective » pour le bien commun. Et je me demande où est passé l’espace pour parler de ça?
Des solutions? Des actions? Il faut en chercher de nouvelles, car évidemment enfiler les interrogations et les raisons d’une débâcle est anxiogène et contre productif . Je ne vois que très localement , tenter de reprendre « langue » avec le voisin, se reparler, recréer progressivement une Agora, amener l’élu local à ce qui devrait une obligation, la rencontre régulière avec ses « administrés » comme on dit, ses citoyens, les interroger, argumenter, défendre un projet , intégrer des idées.. Autant de choses qui paraissent utopiques, mais qu’il n’est pas impossible de bâtir. Et qui pourrait permettre de renouer avec un débat depuis bien longtemps disparu de notre environnement politique.