La peur et la terreur
La peur donc, règne partout. La peur de mourir, la peur d’être malade, la peur de l’amende, la peur de l’autre, la peur du contact, la peur d’être dénoncé, d’être viré, d’être exclu, désigné responsable. Bravo , magnifique réussite sociétale.
La peur. Elle a pour conséquence la perte définitive de toute réflexion, tout doute, toute recherche de bon sens, d’analyse, de recul. Elle amène à l’obéissance , la servilité, aveugle.
Elle s’est bâtie sur plusieurs étapes dont l’une est la plus terrible: démolir toute opinion contraire, discréditer tout porteur d’une parole différente. Tout l’armada a été mise en place, tout l’espace médiatique public ou privé a servi à la censure ou à la ridiculisation de toute parole contraire à celle officielle. Ainsi outre l’absurdité des mesures prises par quelques membres du gouvernement, il a été stupéfiant d’observer la vitesse avec laquelle la « société », les partis ; les syndicats , les citoyens, en somme, abandonnaient tout regard critique . Par la peur.
En Israel, c’est un phénomène qui a fait ses preuves, à l’échelle d’un pays. Dans ce pays il existait ce qu’on appelait « le camp de la paix » , en gros une « gauche », une grosse partie de l’opinion israélienne, prête et désireuse de faire la paix , de bâtîr un autre avenir pour ce pays. Au moment de l’assassinat du premier ministre Rabbin, ce camp était puissant , était à deux doigts de remporter l’élection en cours. Et puis… non. La droite l’a emporté et depuis la politique israélienne a glissé puis s’est engouffré vers un repli et une extension de sa politique coloniale, raciste. Le camp de la paix et la gauche ont subitement disparu du champ politique. Pourquoi ? Par l’instrumentalisation de la peur. Le discours politique majoritaire s’est concentré sur la peur des palestiniens ( des terroristes), des arabes ( des islamistes), et en fait du monde entier ( des antisémites). La paranoïa basée sur le fait que le monde entier est un ennemi, voulant la perte et la destruction d’Israël, a justifié des mesures basées sur une seule donne: le sécuritaire. Celui ci balaye tout. Il prime sur tout. Il est au-dessus des lois, au-dessus de la morale, il dirige tout. Et le citoyen se sentant menacé l’accepte, le comprend puis le défend.
Au cours de l’histoire cette « technique » , cet usage du pouvoir, ont été maintes fois mis en application. Rappelons au passage la citation de Göring , propos recueillis par le psychologue Gustave Gilbert, qui l’a rencontré dans sa cellule,« Bien entendu, les gens ne veulent pas de guerre. (…) Mais, après tout, ce sont les dirigeants du pays qui définissent la politique et il s’agit toujours simplement d’emporter l’adhésion du peuple, que ce soit en démocratie, dans une dictature fasciste, un régime parlementaire ou une dictature communiste.
[Gustave Gilbert lui fait remarquer qu’au moins en démocratie le peuple est consulté et peut élire ses représentants.]
« Oh, c’est tout à fait exact et fort bien, mais qu’il ait voix au chapitre ou non, le peuple peut toujours être converti aux ordres du pouvoir. C’est facile. Tout ce que vous avez à faire est de lui dire qu’il est attaqué, et dénoncer les pacifistes pour leur manque de patriotisme qui met le pays en danger. Cela marche de la même façon dans tous les pays. » Intéressant . *
Complotisme? Personnellement je n’en fais pas partie, restant sur une définition simple du mot: personne croyant à un complot. C’est à dire à la réunion de plusieurs personnes ou entités, créant une action vers un objectif précis. Les différents phénomènes observées récemment pour moi ne s’apparentent pas au complot, mais à une technique avéré du pouvoir puis aux intérêts logiques et habituels du capitalisme, c’est a dire des intérêts privés, sans qu’il soit nécessaire que des personnes « complotent ». Une convergence d’intérêts. Les seuls moments proches du complot seraient en fait Davos où les plus riches de la planète se retrouvent pour des accords, arrangements, discussions, sur un ordre mondial, économique, rentable, organisé. Moi j’appelle ça l’organisation mondiale de la société marchande , capitaliste, pas vraiment un complot…
Dans le passionnant film « un pays qui se tient sage » , le réalisateur, à travers le thème de la violence policière, aborde en fait profondément ce thème: comment faire peur pour faire taire.
Face à un immense mouvement populaire, comment faire pour l’arrêter? Par la peur. On a donné aux forces de l’ordre des consignes de violence inégalées par le passé , on a tiré à tir horizontal, arraché des mains et crevé des yeux, utilisé des armements à la limite de la légalité, matraqué et tabassé des femmes au sol, des personnes âgées, mis des gosses à genoux, humilié. On a fait peur et ça marché. A ,1,40 euro le litre de gasoil la France était dans la rue. A 1,70, il n’y a plus personne. La trouille là est concrète elle s’est bâtie sur des actes de violence, gratuites, directes , une politique orchestrée à discréditer aussi les contestataires, le pillage de l’arc de triomphe en était la plus belle des démonstrations… Démontrer la sauvagerie de l’autre; le marginaliser , le radicaliser, le discréditer. Monter toujours que c’est lui, l’autre, l’ennemi de la république, de l’ordre, de la communauté. Il n’ y a pas de corrélation directe entre ces événements , ces expériences de la peur: on n’a pas testé en Israel, sur les gilets jaunes pour un plan démoniaque plus tard. Ça c’est le complotisme. Non, on a appliqué les mêmes règles du diviser pour mieux régner et de l’utilisation de la peur pour mieux: diriger, faire vendre et acheter, faire taire, éliminer la pensée, la contradiction. Et ça a marché! Outre l’invraisemblable succession de mesures contradictoires, ridicules et sans effet, liée à une incompétence crasse de nos gouvernants, s’est associé une plus grande catastrophe; la faculté à suivre , à obéir, et pire à se transformer de son propre chef en flic, contrôleur, délateur et j’en passe. Foin de débat contradictoire qui marquait jusqu’à alors la vie politique française, les fameux face à face entre opposants, marquant des alternances de positions et de pouvoirs. Plus de face à face car plus personne en face. Il a été dégommé à coup de campagne médiatique , d’une propagande jamais égalée (de mon vivant en tout cas ) discréditant tout propos contraire. Prenant appui et exemple sur quelques cas extrémistes, idiots, violents, au passé sulfureux, on a discrédité tout discours « opposant ». On a évité d’inviter sur des plateaux des scientifiques, chercheurs, médecins, sociologues, psychiatres, professeurs, modérés, réfléchis, ayant des dizaines d’années d’expérience sur la santé, les vaccins, les virus exprimés leurs doutes, leurs inquiétudes, leurs opinions contraires. Non, tous complotistes , séparatistes, interdits de parler, radiés de l’ordre, poursuivis en justice, décridibilisés, anéantis. Plus de parti, plus de syndicats: on a pu violer le secret médical, la constitution, le droit au travail par des licenciements abusifs, contraindre au déni de la loi à des soins non consentis, etc, avec la bénédiction d’une grande partie de la population. Naufrage d’un pays, d’une démocratie, d’une république. Tous les champs ont été dévasté. En très peu de-temps. L’abandon du projet sociétal, laïque, éducatif, citoyen qui était celui de la France de 1848, de 1871, de 1905, s’était détricoté pendant des décennies. Il aura fallu 2 ans pour la faire disparaitre. Complot? Non victoire de la société marchande, qui a transformé le vivant en marchandise, le bonheur des citoyens en PIB, le projet collectif en pouvoir d’achat individuel. Il reste du coup quelques individus, séparés, épars, plus ou moins tétanisés par ce rouleau compresseur, anxiogène car omniprésent ( radio, grandes surfaces, télévision en boucle) qui continuent de penser sans avoir peur.
* pas de faux procès, il n’y a ici aucune tentative de rapprochement direct, d’assimilation, etc, entre les propos de Göring et la politique israélienne… Juste des similitudes de pratique autour de la peur.