Plus le temps passe et plus je pense à Shining,* le film de Kubrick. Pas trop au phénomène du shining, le fait de communiquer avec son petit doigt. Non, je revois Nicholson qui tape à la machine la même phrase et qui veut tuer toute sa famille à coup de hache. Je me dis que Kubrick a inventé le confinement avant l’heure et ses possibles répercussions sur l’esprit humain. Parce qu’en fait dans ce film, on peut vraiment dire que cette petite famille est « confinée ». Et l’on voit progressivement la folie s’emparer d’un des membres, les fractures s’ouvrir, les tensions s’exacerber. Certes l’immense hôtel est plus ou moins hanté et son histoire est chargée. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser à cette lente dégradation née de la solitude et de l’isolement. Surtout quand je vois à quelle vitesse le lien social s’est disloqué, comment la vie culturelle s’est dissoute, comment les réactions se sont tues, et comment dans un grand nombre de familles, de liens amicaux, des fractures sont apparues. Un virus, et le monde se disloque ? Pas que… Il a fallu aussi des décisions politiques incohérentes, disproportionnées basées sur une notion principale : la peur. Celle-ci s’est répandue comme un venin, un poison et paralyse nos manières de vivre. La peur, finalement, je la préfère au cinéma, avec Kubrick et Nicholson, ou avec Murnau ( Nosferatu) ou Laughton ( La nuit du chasseur ) . Je pense aussi à Bunel et son « Ange exterminateur ». Ces bourgeois qui ne peuvent pas sortir de la pièce où ils mangent et finissent par devenir fous. J’ai parfois cette sensation de ne plus pouvoir sortir de cette pièce où je me sens enfermé, ce monde qui devient de plus en plus dingue, avec moi qui en fait partie…
*La bande annonce de Shining parle « d’une genre de claustrophobie qui se manifeste lorsque les gens sont enfermés ensemble.. »