RAPPEL de FAITS
Au mois de septembre dernier deux manifestations devaient mettre en lumière le travail de SOS Méditerranée. L’une avec une rencontre au Parc Galea (le 22 /09/2024 )avec la Présidente de l’ONG, l’autre, le lendemain, au cinéma Le régent de Bastia avec la même présidente et la projection du film « Mothership » .
Suite aux menaces de groupes d’extrême droite le Parc Galea décida d’annuler le rendez-vous, donnant une amplitude à la menace. Corse matin décidant de faire sa Une avec cette annulation (!) l’amplitude gagna du terrain et permit aux groupes d’extrême droite d’appeler à manifester devant le cinéma afin d’empêcher la projection et « d’empêcher la Corse de devenir un nouveau Lampedusa ». On s’est donc retrouvé près de 200 personnes, spectateurs et militants d’un côté et une quinzaine de représentants de la facho-sphère à s’invectiver devant le cinéma. Ces derniers furent ainsi réduits au silence devant un rapport de force largement défavorable, protestant d’une atteinte à leur liberté d’expression et à leur envie de débattre. Lorsqu’on appelle à empêcher une projection d’un film, en somme par la force, on voit mal où se trouve la liberté d’expression et l’envie de débat. Ici quelques images
Ce micro événement amène à plusieurs réflexions.
SOLITUDE D’abord rappeler à ceux qui pensent que ces rassemblements ne servent à rien qu’il a été très important pour beaucoup de se sentir moins seul et de montrer à certains qu’ils ne faisaient pas peur. On ne peut pas laisser la rue et l’espace public exclusivement aux démonstrations de force de l’extrême droite. Et que ce rapport au nombre, pour une fois inversé, même s’il n’enraye pas la montée des idées d’extrême droite, de haine et de rejet, montre à certains indécis, silencieux, qu’une autre force existe et qu’elle ne veut pas se taire. Que ces gens qui veulent nous faire peur ne nous font pas peur.
AUX RACINES, UN RAPPEL
Il me faut sans cesse rappeler des bases pas assez entendues sur nos ondes….
- Ces migrants fuient leur pays pour des raisons dont nous sommes plus ou moins directement responsables : guerre, surexploitation, assèchement des sols, etc. Elles sont directement liées à notre mode de vie occidentale, consumériste.
- Lampedusa est le symbole de la honte de la politique européenne, c’est à dire du refus par les pays européens, d’accueillir en nombre conséquent ces réfugiés que nous avons créé. En les répartissant de manière juste et égale entre chaque pays.
- Nous avons besoin de cette main d’œuvre, nous en avons toujours eu besoin, et les mêmes personnes qui veulent empêcher le flux migratoire sont les premiers à se servir de cette main d’oeuvre pour leur ménage, leurs travaux agricoles, la construction des routes et le BTP.
POLITIQUE
Il est important de rappeler que suite à ces montées au créneau de l’extrême droite en Corse, les réponses ont dépassés les limites des mouvements anti racistes ou apparentés à la « gauche ». Ainsi l’ancien député européen EELV Francois Alfonsi , nationaliste proche de Femu a Corsica dans les lignes de son journal ARRITI s’est emporté contre cette montée violente de l’extrême droite en Corse. Même Jean Guy Talamoni, peu connu pour sa lutte anti raciste s’est fendu d’un très beau texte en soutien à SOS Méditerranée et fustigeant ces corses qui bafouent les valeurs ancestrales du peuple corse pour l‘accueil des démunis. Posture ? Certes. Sans véritable clarification autour de la communauté de destin, de l’égalité de chacun vivant sur la terre corse. Mais cette radicalisation de la droite en Corse, à l’intérieur même du camp nationaliste (actuellement au pouvoir en Corse) amène peut-être à un regroupement plus large des forces disons « antiracistes ». Il serait dommage de passer à côté de chances de rassembler autour de cette énergie.
DANS LE FOND
Une fois ces quelques bases rappelées, de quoi parlent en fait ces gens refusant l’arrivée de l’étranger, de l’autre ? Et qu’est ce qui résonne à ce point dans le vote de 11 millions de français ? De 50% d’électeurs corses, de 65% des votants de mon village ?
La peur de la dilution je pense principalement. De la perte d’un monde dans lequel nous vivions depuis notre naissance et qui s’est entièrement modifié, qui a quasiment entièrement disparu . Avec le numérique, le téléphone portable, l’intelligence artificielle… notre rapport à l’autre, au travail, à l’amour, le lien que nous entretenions avec l’autre s’est entièrement modifié. Et face à cette peur, une droite radicale, réactionnaire et raciste, en France, en Corse, en Europe surfe sur un mensonge sans cesse répété : « avec nous retrouvez le monde d’avant ». Vœu pieux qui semble rassurer, promesse populiste à laquelle ne croit que ceux qui veulent y croire. Mais on ne retourne jamais en arrière. Et le monde va continuer de changer à une vitesse vertigineuse. Il nous faut l’appréhender en inventant des solutions, des manières de vivre ensemble différentes, prenant en compte les modifications radicales du monde et de notre société. Avec le numérique et l’intelligence artificielle, sans doute. Avec le métissage, un immense brassage de cultures de religions, d’origines diverses. Et rappeler sans doute qu’il il n’existe pas de souche, corse, française, ou autre. Nous sommes tous de manière plus ou moins lointaine des métis, des croisements, et tous légitimes sur cette terre, partout où l’on se trouve. Il va falloir dire à un moment donné aux suprémacistes de tout poil, blancs en l’occurrence, que cette suprématie va disparaitre, doit disparaitre, que ce n’est pas un accident mais un objectif. En fait que ce n’est pas grave, et plutôt souhaitable pour l’avenir de la planète.
Certes ce message est inaudible, disons tellement loin de « l’actualité » qu’il semble dérisoire et vain. Mais quelle autre voie pour demain ?