Ultra moderne solitude


Culture / vendredi, janvier 29th, 2021

Pourquoi ces rivières
Soudain sur les joues qui coulent
Dans la fourmilière
C’est l’ultra moderne solitude

 

Et Alain Souchon chantait. Mais c’était en 1988.

Qui aurait pu penser qu’une si grande solitude arriverait, si vite.

La dislocation d’une société, si rapidement. Tout ce qu’on avait essayé de bâtir, difficilement, patiemment, d’année en année, disparu en quelques mois. Les voisins qui se traitent entre eux soient de moutons soient d’assassins, d’irresponsables ; des gosses masqués, marqués, des étudiants qui se suicident, des vieillards qui meurent seuls sans pouvoir voir leur famille, des papiers que tu te signes à toi-même pour t’autoriser à sortir, la fermeture des salles de culture… Une Assemblée nationale qui vote elle-même son inutilité…

C’est l’envoi d’une vidéo récente par un ami sur les QAnon qui m’a fait déborder le réservoir. Oh rien d’exceptionnel en soi. Une autre branche de tarés, plusieurs millions aux États Unis convaincus que Trump est un ange combattant l’axe du mal. Le reportage évoquait l’extension du phénomène en France et les propos des personnes faisaient peur. Notre système était donc à ce point faillant ? En terme d’éducation, d’intégration, de construction du vivre ensemble. Certes ce n’est pas juste cette bande d’illuminés qui me le rappelle. La déliquescence du monde, du Brésil de Bolsonaro à la Russie de Poutine, de  la Turquie d’Erdogan à la France de Macron en passant par l’Amérique de Trump et l’Israël de Netanyahou, avaient déjà donné les signes de l’effondrement du monde avec leur mélange de prêches en tous genres et de grandes finances. Mais constater que si près de chez toi les discours les plus dingues ont à ce point intégré la société…

Car maintenant, il s’agit d’immenses solitudes individuelles, la destruction d’un lien social, celui avec l’autre, celui avec lequel on se construit. Je vous invite à écouter Barbara Stiegler, professeur de philosophie, et je dirais presque évidemment Boris Cyrulnik. On en apprend beaucoup, d’un côté ça fait du bien car on se sent moins seul et de nouveau relié. Par un autre on ne peut être inquiet voire plus. En un laps de temps si court, les réunions, les projections, les cours d’école et d’université, les rapports familiaux, etc se passent devant un écran. Les dégâts sont immenses et le sentiment de solitude incalculable. Chacun s’est refermé avec (sur) son ordinateur et son téléphone, face à un écran. Le rapport à l’autre, celui qui nous construit grâce à la parole, au dialogue, a disparu, ou en tout cas s’est transformé par la numérisation… Et personne, ou peu de gens ont réagi. C’est tout un rapport à l’autre, au vivre ensemble, à la démocratie, etc qui est bouleversé et tout baigne ? Ca me rappelle des paroles de Nougaro dans « Mai Paris Mai » : “et chacun est   rentré chez son automobile“.

Mais à cette époque on chantait ensemble, on dansait ensemble, et devant les injustices du monde nous descendions dans la rue.  Aujourd’hui nous découvrons à l’intérieur de nous-mêmes une nouvelle solitude, nous sommes séparés du monde. Saurons-nous inventer de nouvelles manières de créer, de rire, de faire de la musique, de partager ensemble ?

à suivre….

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