Centralisme


Société / dimanche, décembre 20th, 2020

Centralisme

Entre autres effets pervers de cette crise sanitaire et économique, politique et sociale, la crise amplifie si nécessaire le fossé entre Paris et les « régions », ou le rural…. Malgré ses discours lors de son investiture à l’Assemblée Nationale puis au Sénat en juillet dernier * le premier ministre Castex n’avait de cesse de rappeler l’importance des territoires, et que la France ne saurait se construire sans renforcer ce lien si fort qui nous unit entre communes, régions et état. Après avoir donné un semblant de pouvoir aux Préfets, il est revenu à toute vitesse aux travers habituels de la République : le centralisme. N’étant pas trop sûr du terme « jacobin » qui à son origine lors de la Révolution française semblait plutôt sous-entendre la souveraineté populaire et l’indivisibilité de la République** plutôt que son centralisme, il est question d’une catastrophe sans cesse répétée : les décisions prises à Paris pour Paris , voire les grandes villes. Car non, définitivement, on ne vit pas de la même manière en région parisienne, marseillaise, lyonnaise, bordelaise que dans les villages reculés de l’Ariège, l’Ardèche, de la Bretagne ou de la Corse. Égalité des droits des citoyens et loger tout le monde à la même enseigne ? Alors il y a eu par le passé la grande affaire des langues dites « régionales ». A partir de la révolution française jusqu’aux lois récentes (2001) ( histoire des langues régionales ) , le rapport entre unité de la nation et diversité des langues a évolué. De l’interdiction pure et simple d’employer une langue vernaculaire jusqu’à l’introduction du breton, de l’occitan, de l’alsacien, du corse à l’école, de la création de classes bilingues, de la reconnaissance de ces langues pour le Bac, etc, il semble qu’on se soit aperçu que l’unité de la nation n’était en fait pas menacée par la différence des langues parlées sur le territoire. D’autres personnes sont bien mieux placées que moi pour évoquer ce phénomène, qui ne s’est pas fait « naturellement » mais après le combat juste et légitime de femmes et d’hommes dans chacun des territoires.

Mais c’est cette même idée d’une seule réglementation pour tous qui prévaut aujourd’hui pour ces interdits multiples liés au covid. Masques dans les rues, fermetures des salles de spectacle, de réunions, fermeture des bars , des restaurants , non accès aux espaces publics, à la nature, etc, etc.. Même droit, même loi, une règle pour tous, et donc tous égaux. Ceci est faux, et contre-productif. Creuse au contraire les inégalités, les sentiments légitimes d’injustice et d’incompréhension. Quand il ne s’agit pas de colère. Car ces dispositions sont prises pour des grandes villes et non pour des petits villages dépeuplés. Et non, nous ne sommes pas égaux, car nous ne vivons pas de la même manière ici ou là. Et oui donner pouvoir aux maires et aux Régions de décider du bien-fondé des décisions en fonction de leur population, de la géographie, de la manière de vivre, agirait plus comme ciment d’une nation que l’inverse. Car ce serait le bon sens. Ainsi dans mon village, le fait que les petits bars, « le » petit restaurant seraient ouverts ne joueraient absolument aucun rôle sur l’épidémie. Aucun. Cela permettrait à ces patrons de vivre, et aux quelques habitants de se retrouver. Idem pour le cinéma qui se trouve à 30 minutes : comme le dit son directeur pas la peine de décréter un siège sur 2, cela se fait naturellement. Les exemples sont nombreux et ceux qui vivent « dans le rural » comme on dit savent très bien de quoi je parle. L’exemple le plus flagrant était cette interdiction de se promener sur nos plages ou nos sentiers au mois de mars et avril. L’effet d’unité nationale est inverse ici. Cela défragmente la citoyenneté car cela fait subir des conditions de vie totalement déplacées et fait apparaitre aux yeux d’une majorité de citoyens une injustice flagrante. Le plus important serait de re- définir le projet de société, celui de la république, de la nation, comme vous voulez, et de voir dans quelles conditions, quelque soit l’endroit où vous habitez, vous y adhérez ? Parce que le projet initial, celui de 1905 ? celui du Front Populaire ? celui du Conseil National de la résistance ? celui de la Vème République ? ça fait bien longtemps qu’il a été oublié, malmené par la logique marchande, formaté à l’école, et corrompu par des politiciens véreux ; quel est le projet républicain auquel j’adhère pour subir ces décisions arbitraires et débiles. ?

Tout est à réinventer… Et il y a urgence.

Car ce qui est testé là depuis un an est aussi notre capacité à la réponse, notre rapport à l’obéissance, à la servilité. Certes beaucoup me diront « pas de comparaison à deux balles, nous ne vivons pas la même époque, etc » ( le virus n’est pas le nazisme, Pétain n’est pas Macron, etc) mais je sais que ma génération, celle de mes parents, ont été marqué par le Vichysme. Vous savez ce truc qui était la France mais en fait non. Par cette police française qui obéissait aux ordres du gouvernement et des préfets, et qui arrêtait les juifs et les résistants. Qui forçait à dénoncer. Oui nous ne sommes plus en 41, mais certains phénomènes de comportements politiques et humains ont toujours cours. L’union nationale face à l’ennemi! A l’époque, certains ont désobéi, résisté, pris des risques. Ne les oublions pas.

Ce qui semble avoir gagné aujourd’hui c’ets la peur et c’est elle qui gouverne. La peur du virus, la peur de l’autre, la peur d’embrasser, la peur de se croiser, la peur du gendarme, la peur de ne pas avoir son papier de sortie, la peur de 135 euros. Tout cela additionné aboutit à une société paralysée. Tétanisée. Plus de réelle opposition. Plus d’appel à une réaction collective. Il faut dire que les partis politiques et les syndicats ont soit disparu soit devenus transparents, illisibles. Quand on pense aux risques pris par les militants noirs en Amérique, en Afrique du Sud, aux femmes , aux homosexuels, aux minorités quelqu’elles soient partout dans le monde pour la reconnaissance de leurs droits. Et nous ne sommes pas capables de nous fédérer pour… la réouverture des petits bars et restaurants de nos villages, de nos salles de spectacle…  pour les cours de théâtre aux enfants? 

* Extrait du discours de M Castex : La France, Mesdames et Messieurs les députés, c’est aussi celle des territoires, avec leurs identités et leurs diversités. C’est à cette France des territoires, à cette France de la proximité que nous devons impérativement faire confiance, car c’est elle qui détient en large part les leviers du sursaut collectif. Les territoires, c’est la vie des gens. Libérer les territoires, c’est libérer les énergies. C’est faire le pari de l’intelligence collective. Nous devons réarmer nos territoires ; nous devons investir dans nos territoires, nous devons nous appuyer sur nos territoires.

Pris par le haut, tous les sujets deviennent des objets de posture ou de division. Sur le papier, on n’en fait jamais assez ! Mais traités en partant du bas, par les gens, donnant à nos concitoyens et notamment aux plus jeunes d’entre eux l’occasion concrète, visible, mesurable, de s’impliquer, alors cela change tout.

La confiance revient, les résultats progressent, la nation se ressoude.

Cette confiance dans les territoires suppose que le droit à la différenciation soit consacré dans une loi organique. Elle passe également, comme l’a indiqué le président de la République, par une nouvelle étape de la décentralisation. Elle repose tout autant sur une évolution profonde de l’organisation interne de l’Etat. Je m’étais fait le défenseur, à l’occasion de la mission qui m’avait été confiée par le précédent gouvernement sur le déconfinement du couple « maire – préfet de département ». Notre intention est de rendre rapidement plus cohérente et efficace l’organisation territoriale de l’Etat, en particulier au niveau du département.

** L’expression République indivisible est une notion d’organisation de la France caractérisée par : un Etat unitaire, l’unité du peuple, un droit uniforme qui s’applique de matière identique sur tout le territoire, l’égalité de tous les citoyens sans distinction (cf. article 1 de la Constitution) devant la loi, l’élaboration de la loi dans un lieu unique, l’Assemblée nationale, représentant la souveraineté nationale, l’usage exclusif du français dans la vie publique.

Ce principe est affirmé dans l’article 1, alinéa 1 de la Constitution de la Ve République : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. » Cette notion s’oppose au fédéralisme.

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