Boycott
Comme une envie de clarifier, envie d’expliquer une position qui semble ambigu autour du boycott des artistes et sportifs israéliens. En imaginant que c’est peut être de ce problème que vient la frilosité de certains à condamner un génocide en cours , eux si rapides habituellement à dénoncer la moindre violence..?
Au moment où l’on célèbre le terrible anniversaire de Srebrenica ( 8 000 Bosniaques musulmans tués en quelques jours par les forces du général serbe Ratko Mladic en juillet 1995 (*1) considéré comme génocide, le nombre de victimes à Gaza, 58 573 personnes dont 17 921 enfants, et 12 000 disparus selon l’UNICEF (*2), plus de 200 000 victimes directes et indirectes (*3), selon une étude de la revue The Lancet, le terme de génocide et sa dénonciation paraissent pourtant logique.
Il parait en effet essentiel avant de parler d’artistes ou de sportifs de rappeler de quoi on parle . La famine comme arme de guerre avec le blocage de l’aide alimentaire, le massacre de civils lors de distribution de nourriture, le déplacement massif de population, le bombardement de populations civiles, l’assassinat ciblé des journalistes, des médecins, la destruction systématique des lieux d’éducation , de santé. En résumé, le déni du droit international, des règles de la guerre qu’il définit, et qu’on nomme : crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Voilà de quoi on parle.
Dans ce cadre, il est important de rappeler et de raconter le rôle du boycott de l’Afrique du Sud pendant presque 30 ans pour la libération de Nelson Mandela et la fin de l’apartheid, (*4) un boycott qui a mêlé l’économique ( sans doute l’arme la plus puissante ) le culturel et le sportif ( sans doute le plus visible entre rugby et Jeux olympiques) .
Ok maintenant qu’on a posé certaines bases rentrons dans le détail.
A ces circonstances exceptionnelles on ^pourrait se cantonner à dire: « on en fait pas d’omelettes sans casser des oeufs, » en gros vu la dimension du drame, il se peut qu’il y ai des dommages collatéraux, . Mais cela ne serait pas satisfaisant. Il faut revenir donc sur l’importance des deux mesures que nous sommes nombreux à demander : l’arrêt de l’accord d’association UE- Israël et le boycott d’israël . La première chose est la conviction que la « solution » , si on peut appeler cela comme ça, ou la Paix, la résolution du conflit,, l’arrêt des violences , la fin du génocide, de la négation du droit international, la reconnaissance des droits des peuples, ne se fera que par pression de l’extérieur. La volonté reconnue maintenant d’Israël de reconquérir toute la Palestine, d’éliminer soit par la destruction soit par l’exode forcé toute la population palestinienne de Gaza, de continuer la colonisation de la Cisjordanie par la force en déni du droit international, , nécessite une attitude collective de ce qu’on appelle « la communauté internationale » : le boycott ainsi que l’arrêt de la coopération UE /Israël semble être appropriée. Comme moyen de levier, de pression.
Pour ce qui est de sanctions économiques comme celles prises vis à vis de la Russie, cela est simple. Outre la vente régulière d’armements , ou de pièces détachées pour l’armée israélienne, le poids de l’économie est le plus efficace. Outre le symbole. Pour les deux autres domaines que sont les sports et la culture, rappelons les fondamentaux du boycott: ce qui est exclu ce sont les représentations nationales et non les individus. Pour faire court et pour donner un exemple, comme pour les jeux olympiques de Paris où malgré qu’elle soit exclue des JO la Russie a tout de même envoyé des athlètes concourant sous bannière neutre. (*5) Ou pour être plus précis en tennis où un athlète peut jouer à Roland Garros à titre individuel et pas en coupe Davis pour défendre les couleurs de son pays. Etre d’un » pays « n’inclut pas qu’on soutienne sa politique, alors que défendre les couleurs de son pays si. Ce qui effectivement de fait exclut les équipes nationales de tout sport collectif. C’est triste? Mais c’est ça un boycott. Et personnellement je suis pour .
Pour la culture? Facile de demander la non participation d’Israël à l’Eurovision, en tant que pays concourant , et ne pas empêcher quiconque de chanter en tant qu’artiste. Il se trouve que j’ai des amis israéliens , cinéastes, amis ou proches disons, comme Avi Mograbi, Amos Gitai, Elia Suleiman ( Elia Suleiman est israélien ? Oui ! ) . Leur cinéma, leur art , leur talent est doublement nécessaire: par leur position, leur talent, leur portée, ils participent non seulement à la création artistique, mais permettent de mieux comprendre, de l’intérieur, et de mieux critiquer les dérives actuelles de leur propre gouvernement. Venant « de l’intérieur » ces prises de position sont d’autant plus essentielles .
On me verrait mal demander leur boycott ! Mais alors cela veut il dire que je suis partisan du boycott des « mauvais « artistes, de ceux qui ne pensent pas bien c’est à dire pas comme moi. ET bien non , il faut être logique. Chaque artiste, à titre individuel, c’est a dire en tant qu’artiste doit pouvoir s’exprimer. Nous verrait on censurer ou boycotter Jafar Panahi, dernier primé au festival de Cannes parce qu’iranien ? Non évidemment . Ensuite les uns comme les autres assument leurs opinions. Dans leur art et à coté . C’est à dire que ces cinéastes engagés se font couper les vivres par leur ministère, lorsque ceux ci n’essayent pas de les emprisonner voire de les éliminer. Et si certains artistes participant à des colloques, manifestations en soutien à l’armée israélienne, ou lorsque sur scène ils montrent leur soutien à un génocide comme Eyal Goyan récemment à Paris (*6) ils peuvent s’attendre à des réactions hostiles du public choqué, et accepter que d’autres artistes refusent de les côtoyer dans des festivals. Concernant le chanteur Amir, franco israélien, dont les chansons n’ont rien à voir avec le génocide, et qui a suscité des remous lors des dernières Francofolies en Belgique, il faut rappeler que 3 artistes ont décidé de se déprogrammer pour ne pas être au même festival que lui (*7) suite à sa présence lors d’une soirée de soutien aux soldats de Tsahal organisée par Yoni Chetboun, un ancien député du parti d’extrême droite HaBayit HaYehudi. Ce n’était pas l’artiste en tant que tel qui créait le malaise pour elles mais bien son soutien affiché à l’armée et à la guerre. Elles étaient de leur côté bien libres de ne pas se retrouver dans la même programmation . De là aux appels au boycott de son concert sur les réseaux sociaux, je ne peux les soutenir : que ceux qui veulent l’écouter l’écoutent. Mais que ceux qui ajoutent une énième fois que l’appel à son boycott est lié au fait qu’il soit juif, soient mis en face de leur énième mensonge, celui de la propagande israélienne : ce sont uniquement ses prises de position qui ont suscité une réaction et rien d’autre. Toujours le même chiffon d’antisémitisme agité au nez des imbéciles…
En résumé : oui pour un boycott d’Israël dans tous les domaines pour que cessent les atrocités commises par son gouvernement d’extreme droite . Laissez chanter les artistes et courir les athlètes à titre individuels, mais pas en tant que représentants d’un pays.